Par Jacques Ferber.
« Sois un homme !! » Quel garçon d’autrefois, et même souvent encore d’aujourd’hui, n’a pas entendu cette phrase ? Et vous les hommes, quand vous étiez ce petit garçon, qu’est ce que cela vous faisait au plus profond de vous ? Personnellement, lorsque je l’entendais étant enfant, cela signifiait deux choses
1) qu’il y avait des comportements jugés peu virils et qu’il fallait que je les évite, et
2) que je n’étais pas encore un homme, mais qu’il fallait que je m’efforce de le devenir pour recevoir l’approbation des adultes.
Le système patriarcal de l’époque pensait que la femme était femme naturellement mais que l’homme avait à intégrer un ensemble de codes de valeurs et de comportement, en un mot qu’il avait à être initié pour être considéré comme un homme. Tout le système éducatif, toute la société, et notamment l’armée, était là pour former les individus mâles à devenir des «hommes».
Et pourtant, cette entreprise de formation des mentalités masculine est resté invisible pendant longtemps. Le réveil a commencé par les femmes. C’est Simone de Beauvoir qui a tiré la sonnette d’alarme pour les femmes en montrant que « on ne nait pas femme, on le devient ». Mais cela est vrai aussi pour les hommes, et la «virilité» dépend autant des gènes que de l’éducation : on ne nait pas homme, on le devient…
Formaté par sa culture…
Afin de comprendre l’évolution des mentalités concernant le point de vue que l’on a sur les hommes, je me réfèrerai aux couleurs de la Spirale Dynamique qui permet d’avoir un cadre général pour penser le rapport entre les valeurs et les conditions de vie d’une époque ou d’une société. C’est ainsi que l’injonction «sois un homme» est donnée dans les courants situés avant le stade relativiste-empathique Vert (c’est à dire essentiellement les stades Rouge, Bleu et Orange), pour indiquer au garçon qu’il doit «assurer» en se coupant de ses émotions, lesquelles sont synonyme de faiblesse et de féminin (considéré comme inférieur dans ce cas). Ne dit-on pas dans ces milieux que ce n’est pas un «sport de fillette» pour indiquer qu’il s’agit de quelque chose de rude, et l’appellation «femmelette» est bien entendu utilisée pour dénigrer l’homme qui la porte. L’homme se doit donc d’être fort et courageux (Rouge), de faire son devoir, et de défendre la patrie en étant fidèle et obéissant (Bleu), d’être intelligent et de réussir dans la vie (Orange, individualiste-rationnel). Pour ce dernier, ce n’est pas tant la force qui est valorisée que l’intelligence, la capacité à raisonner et à être le meilleur. Mais là aussi en faisant fi du ressenti et de la raison. Il a fallu Damasio (lire son livre « L’erreur de Descartes ») pour bien comprendre que l’émotion et la capacité de ressentir l’autre est totalement nécessaire à la rationalité et à la réussite sociale. Mr Spock de Startrek serait finalement incapable de prendre des décisions rationnelles… Les femmes le savaient, mais on ne les écoutait pas.
Mais les courants d’après continuent à donner des injonctions aux hommes (comme aux filles d’ailleurs, mais ce n’est pas le sujet de cet article). Vert dit que l’homme se doit d’être capable de formuler des émotions et qu’il doit être doué d’empathie envers tout le monde, et que les comportements de type Rouge («si je le veux, je le fais») ne sont pas acceptables. Le garçon doit alors réprimer ses pulsions un peu trop sauvages, au risque de perdre sa puissance masculine. Et ça ne s’arrête pas là. Jaune demande à l’homme de vivre avec fluidité et intelligence dans un monde complexe, en étant guidé par son enthousiasme tout en sachant très bien se prendre en charge personnellement. Et ensuite Turquoise invite à prendre conscience que l’on fait partie d’un organisme plus grand que nous, chacun étant au service de la Vie avec ses compétences particulières, pour l’évolution de Gaïa et de l’humanité, l’ego et les préoccupations narcissiques (les «besoins» au sens de la CNV par exemple) étant considérés comme des freins. Il n’y a pas, quel que soit le niveau de développement, des courants qui seraient «neutres» c’est à dire qui ne proposeraient pas un modèle particulier pour l’individu. Tous en quelque sorte «prescrivent» l’individu. Simplement à partir de Jaune, on se rend compte que plus on avance, plus on voit large et grand, plus on voit des phénomènes invisibles ou négligés par les courants précédents. On passe ainsi du «moi, moi, moi» des courants jusqu’à Orange compris, au «nous» avec Vert, et au «nous Tous» avec Jaune et surtout Turquoise.
Mais l’homme n’est pas la femme…
Et pourtant, il y a des différences hommes-femmes. Au delà des stéréotypes, dénoncés par les féministes et les courants Verts qui voudraient une vision unisexe du monde, un homme n’est pas une femme et réciproquement. Toutes les études montrent qu’une grande partie des petites filles sont plus intéressées par le langage et la relation, et une grande partie des garçons par la confrontation physique et les jeux avec énergie… On peut prendre cette différence comme un principe, qui prend ses bases dans l’ADN et qui s’inscrit corporellement dans les différences physiques et surtout hormonales entre les sexes.
Bien entendu, ce principe est à prendre avec précaution et il se n’agit surtout pas de revenir à une vision sexiste de nos ancêtres : les études socio-psychologiques montrent que les modes de fonctionnement « féminin » (multi-tâches, relation à l’autre, langage) peuvent être appris par les garçons et que les modes de fonctionnement « masculin » (concentration sur une tâche, relation à l’objet, rapport à l’espace, etc.) peuvent être acquis par les filles. Enfin, bien qu’il y ait une différence en moyenne dans les compétences entre les filles et les garçons d’une tranche d’âge, il y a plus de différence à l’intérieur de l’ensemble des filles qu’entre la moyenne des filles et la moyenne des garçons (idem pour les garçons)… Donc toute différence péremptoire reste à relativiser…
Néanmoins, je vois par mon expérience dans les stages de Tantra, que l’unisexe ne convient pas bien à l’être humain et que les hommes et les femmes aspirent à rencontrer leur polarité, les hommes à trouver leur puissance tranchante et protectrice et les femmes à accueillir cette puissance pour l’alchimiser, et ainsi unir les opposés. J’ai même vu des homme a priori très «féminins» qui, par ce développement, deviennent plus puissants tout en se sentant mieux, et sans renier pour autant leur part féminine. Comme si, nous avions tout de même à incarner les bases de nos archétypes en nous, et ressentir au plus profond de nous que Mars et Hermès ne sont pas Vénus ou Diane.
Vivre l’incarnation de ce que nous sommes pour aller vers la lumière
Alors quelle est la nature de l’homme finalement ? Au bout du compte, il n’y a finalement que vacuité… Du point de vue des neuro-sciences, le «moi» n’est rien qu’une activation d’un ensemble de neurones. Et pour les spiritualités non-duelles, il n’existe que l’expérience de l’instant présent. Finalement ce «je» n’est peut être qu’une pure conscience incarnée dans un morceau d’espace-temps tourbillonnant dans le jeu de la Leela divine. Qui suis-je?
Mais d’un autre point de vue, plus je m’incarne, plus je vais vers la Terre, plus je vis l’interaction entre mon ADN et la société qui m’a vu naître. Plus je deviens homme, plus je m’incarne dans cet organisme qui est le mien, plus je peux faire l’expérience de l’intelligence, du courage, de l’altruisme, de la puissance et de la détermination vers un objectif. Et plus je m’ouvre à ma nature féminine, et plus je peux aussi ressentir les vertus féminines de l’accueil, de l’ouverture à l’autre, de la prise en compte de la relation… Et bien entendu, en faisant l’expérience de l’incarnation, je peux aussi vivre la connerie, la peur, l’égoïsme, l’addiction, la violence ou l’égocentrisme. Toutes les «qualités» existent, et je suis tout cela, avec un dosage particulier de tous ingrédients qui constituent ma saveur particulière qui n’existe qu’à un seul exemplaire. Je suis unique, comme nous le sommes tous, mais une unicité issue de la même soupe. Comme chaque flocon, je suis unique, mais sans les autres flocons, il n’y a pas de neige. Et aucun flocon n’est «mieux» qu’un autre. Ils sont juste tous différents.
Donc vu depuis le Ciel, être homme ou femme, ce n’est qu’une forme temporaire et illusoire, prise dans l’impermanence de la Vie. Mais depuis la Terre, c’est comme ça que je vis et fais l’expérience de mon humanité… Nous n’avons pas cherché à être homme ou femme… Nous n’avons pas cherché à ressentir du plaisir et de la douleur. Cela est venu tout seul. Nous sommes juste plongés dans Cela. Et dans cette grande fresque incroyable qu’est la Vie, je sens tout de même mes couilles là en bas, comme toi femme, tu sens ton vagin… Mais cette sensation est en permanence filtrée par mes représentation de ce qu’est et doit être un homme ou une femme, et je me fais des histoires sur ce que nous devons être ou ne pas être. C’est ce qu’on appelle la culture, c’est à dire le bain de représentations collectives que décrit très bien la Spirale. On ne peux pas être un homme (ou une femme) «pur(e)» distinct du bain social et symbolique dans lequel nous baignons, comme nous abstraire de nos particularités physiques, de notre ADN et de toutes ces hormones qui nous structurent. Avec humilité, nous ne sommes que cet individu, fait de conscience et de conditionnement, une étincelle divine, mais aussi une personne qui fait l’expérience de l’existence, avec tout ce que cela comporte de tragédie et de grandeur. Et pour tout cela, nous pouvons nous prendre dans les bras, hommes et femmes, et nous accepter ainsi tels que nous sommes. Nous pouvons simplement nous remercier avec amour d’être là, afin que ce voyage au bout de la nuit devienne un chemin d’éveil et de lumière.