Par Jacques Ferber.
L’Ombre est une figure puissante de notre psyché qui agit dans l’obscurité et qui représente l’opposé de ce que nous voudrions être, le contraire de ce que nous voudrions laisser voir à d’autres.
Le jugement, nourriture de l’Ombre
L’Ombre se construit à partir de la dualité et du jugement : la honte, la culpabilité, les peurs personnelles (timidité, peur de ne pas être à la hauteur) et donc le manque d’estime de soi vont créer cette scission entre ce que nous voudrions montrer au monde et ce que nous sommes profondément. Plus l’ombre grandit, plus nous avons tendance à nous séparer de nous mêmes, à nous cliver, à nous couper de notre énergie de vie. On a alors tendance à devenir jugeant, hautain, cassant, accusant l’autre, les autres, de tous les maux : ce sont eux qui ont des problèmes, qui sont chiants, désagréables et méchants… Pas nous bien-sûr !! L’ombre crée la dualité en nous, et ce que nous ne voulons pas voir de nous mêmes, nous le projetons à l’extérieur. C’est la croisade contre « l’axe du mal » fomentée par tous les inquisiteurs qui projettent chez les autres les turpitudes qu’ils ne veulent pas voir en eux. D’une manière générale, moins on accepte nos propres ombres, plus on les projettes à l’extérieur (le méchant c’est toujours l’autre) et plus en même temps on se scinde en deux, plus on fait finalement le jeu de Satan, l’accusateur. Satan vient d’une racine hébreu qui signifie « le procureur, l’accusateur » ; Diable vient de « diabolo », ce qui divise, en grec. Donc on voit que l’Ombre est l’énergie qui divise et accuse, qui crée les dissensions, les conflits, les vengeances, les haines… Rester dans l’énergie de Satan, c’est donner du pouvoir aux projections en ne voulant pas aller regarder nos ombres.
L’Ombre nous pousse à mettre la responsabilité de ce qui nous arrive chez l’autre. Cela est particulièrement visible dans un couple où nous projetons facilement la responsabilité de ce qui nous arrive sur le conjoint, voulant à tout prix que l’autre change, alors qu’on considère que l’on est dans son bon droit. L’Ombre nourrit ainsi l’ego qui veut toujours avoir raison, avoir le dernier mot, qui est sûr de son bon droit, qui teinte de mépris les inférieurs et qui s’agenouille devant les supérieurs, ou au contraire, par réaction, qui se rebelle devant toute autorité. Elle fait ainsi le lit à l’orgueil et la vanité, en nous faisant croire que nous sommes au dessus du lot, au dessus de la Vie.
L’Ombre c’est aussi le saboteur intérieur, celui qui nous empêche de réussir, parce que nous sommes « trop nuls » nous dit ce Satan intérieur, cet inquisiteur qui nous prive de notre propre énergie, nous faisant croire que nous « ne sommes pas assez bien » ou « pas à la hauteur », projetant alors sur les autres un idéal de réussite qu’on ne veut pas s’accorder à soi. C’est l’Ombre du « gentil », que nous avons décrit dans l’article sur le cygne noir , quand nous ignorons nos propres désirs, quand nous ne voulons pas reconnaitre nos propres pulsions et que nous regardons ceux qui les assouvissent comme des êtres « pervers », « dégouttants » ou « débauchés ».
Une erreur commune : croire qu’il faut combattre l’ombre
Contrairement, à la croyance populaire, issue d’une longue tradition d’églises monothéistes (et dans ce domaine les institutions juives, chrétiennes et musulmanes véhiculent les mêmes croyances limitantes) ce n’est pas en combattant le mal qu’on le supprime. Bien au contraire, c’est en voyant Satan chez l’autre et non en soi, que nous nous soumettons en fait à son pouvoir, et ainsi, c’est en croyant que nous partons en croisade pour le Bien contre le Mal ou nous condamnant nous mêmes pour ce que nous jugeons comme des défauts, des faiblesses ou des fautes, que nous servons le plus l’Ombre. Elle nous pousse à voir en nous la victime en croyant que nous ne sommes pas responsable de ce qui nous arrive et que « c’est la faute des autres » si nous en sommes là, ou à culpabiliser et à croire, inversement, que « tout est de ma faute ». Dans les deux cas, c’est la voix de l’Ombre qui nous souffle ces mots à l’oreille, pour diminuer notre puissance, pour nous empêcher d’être dans le courant de la vie en faisant porter de la honte et de la culpabilité sur nos actes. Mettre un couvercle sur ces « forces de l’ombre » ne peut donc qu’amplifier leur puissance, puisque, par définition, ces forces travaillent d’autant plus qu’elles ne sont pas reconnues en lumière.
La joie de rencontrer l’Ombre
Mais une foie reconnue pour ce qu’elle est, c’est à dire une partie de nous mêmes, une fois que nous sommes capables d’accepter et de pardonner nos travers si humains, l’ombre se révèle pleine d’énergie, de joie, d’humour, de drôlerie… Aller danser avec ses démons, c’est rencontrer cette part de nous que nous avons négligé ou jugé. Sortir des normes et du « convenable », vivre les désirs et les pulsions en conscience permet de réintégrer des parties vivantes et puissantes de nous mêmes.
L’Ombre peut ainsi être vécue comme le lieu de lutins espiègles et farceurs, à la fois et joueurs de tour, mais pas nécessairement mauvais, comme la base d’énergies sauvages, animales, que la conscience et l’amour peut transmuter en énergie de Vie. L’Ombre devient alors un réservoir de créativité et de liberté, la possibilité d’une réelle réintégration de toutes ces parties de nous que nous avions laissé de côté, sans voir qu’elles recélaient de prodigieux richesses.. Car c’est au centre de l’Ombre que gît notre Trésor…
Le tantra, par la puissance de la relation à l’autre et au divin, constitue l’espace idéal pour réintégrer cette ombre, la réunifier à notre être lumineux afin d’en ressentir liberté et joie. Le Module 3 du Cycle Tantra Intégral : Intégration & Joie porte particulièrement sur ce thème de réintégration de l’Ombre. Il s’agit d’aller à la rencontre de nos désirs profonds et des obstacles qui nous empêchent de les réaliser, et de vivre comment leur transmutation par l’amour procure liberté et joie… Quand la Lumière illumine l’Ombre, la Joie vient dans le coeur…