Par Jacques Ferber,
En tant qu’homme, j’ai longtemps pensé que la Saint-Valentin n’était qu’un attrape-nigaud commercial. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi cela semblait si important pour les femmes, pourquoi elles semblaient si déçues et énervées si leur tendre et cher oubliait ce jour du 14 février.
Lorsque je posais la question à d’autres femmes, elles me disaient que c’était un témoignage d’amour, une manière de dire « je t’aime » de « nourrir » la relation, et elles ne comprenaient pas pourquoi ce n’était pas aussi important pour leur compagnon.
Oui, c’est un peu ridicule et commercial, mais s’il y avait autre chose derrière la Saint-Valentin?
En effet, la Saint-Valentin nous fait entrer dans ce qui constitue le cœur de la différence homme-femme1: l’homme et la femme ne voient pas la relation amoureuse de la même manière. Pour simplifier, elle n’existe pas réellement pour l’homme. Bien qu’il ait de l’amour pour cette femme, il n’a pas été attiré par elle pour « construire une relation de couple », mais tout simplement parce qu’il sentait en lui un élan d’amour et de désir. Et puis à force de se voir, la relation s’est installée.
Je me souviens du témoignage d’un homme qui avait été très surpris. Au lendemain d’une nuit torride passé avec une femme qu’il venait de rencontrer, elle lui avait demandé « quelle est ton intention pour nous deux? » Il en était resté coi. Certes, il avait passé un bon moment, et il avait envie de la revoir pour vivre d’autres instants aussi intenses que cette nuit là. Mais son intention s’arrêtait à ce désir, alors qu’elle envisageait déjà une relation avec lui.
Il faut souvent de nombreuses rencontres à un homme pour se sentir « en relation », quand pour elle, c’est déjà présent au premier échange de baisers, et surtout après le premier rapport sexuel.
Pour simplifier, l’homme « masculin »2 ne « voit » pas la relation. Il peut l’appréhender conceptuellement, mais ce n’est pas quelque chose de vivant qui le remplit. Il est tourné vers la femme, pas vers le couple, et quand il entend « construire la relation » il comprend « faire plaisir à sa moitié ».
S’ouvrir à la connexion intime
Depuis la psyché masculine standard, la Saint-Valentin, c’est pour faire plaisir à la femme. Elle constitue une pression chez les hommes avec l’angoisse de ne pas créer la soirée romantique parfaite. Et lorsque cette fête est passée, certains poussent un soupir de soulagement… jusqu’à l’année prochaine.
Et pourtant, en faisant plaisir, quelque chose d’autre émerge…
Le fait même qu’un homme pense à sa compagne, commence déjà à nourrir la relation, même sans qu’il s’en rende compte. Il participe à la construction de cette troisième entité (le couple) à partir de l’élan de son cœur. Le « faire plaisir à sa belle » se transforme ainsi tout naturellement en « prendre soin du couple ». Réciproquement, la relation lui permet de s’ouvrir à son propre féminin, à sa créativité, à son élan envers les autres, à sa capacité à voir le monde comme un tissu relationnel.
Il me semble qu’il existe une issue face à cette incompréhension « féminin-masculin », le féminin qui cherche la relation et le masculin qui n’en voit pas l’intérêt : passer de la relation à la connexion, chère aux pratiques tantriques.
En effet, ce ne sont pas les étoiles du restaurant, ni les cadeaux ou la mise en scène qui importent, mais la qualité de la connexion, de la complicité amoureuse qui se crée entre un homme et une femme. C’est au sein de cet espace intime que les différences se transforment en complémentarités.
En s’ouvrant à l’âme de l’autre, en créant ce pont entre les coeurs et les esprits, nous nous élevons naturellement à plus grand que nous.
Dans le Tantra on utilise souvent la prière hindoue du Namasté qui signifie « je vois la lumière divine qui est en toi ». Tu es une déesse dit l’homme à la femme qui répond à son tour, tu es un shiva, un dieu incarné pour moi. Et chacun reconnait l’autre dans ce qu’il a de plus divin.
Donc le jour de la Saint-Valentin, je vous invite tout simplement à vous saluer ainsi et à re-créer ce lien sacré qui est à la base de votre union, à témoigner de votre amour, en le rendant vivant, présent. Et si possible, ne pas le faire que le jour de la Saint-Valentin ????, pour que cela devienne une pratique au sein du couple, afin de sortir de l’amour-attachement pour s’ouvrir à l’Agapé, l’Amour Universel, libre de toute rancoeur, de toute dépendance, de toute jalousie.
Nous pouvons ainsi nous reconnaitre mutuellement pour ce que nous sommes : des êtres de lumière incarnés dont les lignes de vie se rejoignent en tissant un motif de la tapisserie cosmique3. Et nouer cette relation en Conscience et en Amour, au delà de nos blessures et de nos ressentiments éventuels, pour nous ouvrir à l’espace de l’Amour, à la beauté de nos coeurs enlacés.
Notes:
- Plus exactement de la différence masculin-féminin. Je supposerais que les hommes dont je parle ici sont des hommes « moyens » ayant un rapport de masculin/féminin de type 65/35, et idem pour les femmes dans un rapport 35/65. Tout cela pourrait bien entendu être débattu, mais j’essaye dans cet article de poser cette différence telle qu’elle est vécue aujourd’hui par la grande majorité des couples ↩
- Plus un homme a développé son yin (féminin) plus il « voit » la relation. Mais pour le masculin, c’est totalement étranger à son mode de pensée. Il suffit de lire les romans ou les séries « pour hommes » et « pour femmes » pour comprendre tout ce qui sépare l’homme de la femme à cet endroit. ↩
- Comme le rappelle le Tantra, dont la racine ‘tan’ signifie tisser, relier. ↩