Par Jacques Ferber
Elle était allongée sur le ventre, nue. Je contemplais son corps abandonné et détendu. J’étais touché par la beauté de sa maturité, par le lissé de sa peau sur laquelle jouait la lumière douce des bougies de la salle, par son dos qui respirait tranquillement. J’étais là, présent à elle et à moi, immobile et centré, et tout mon être recevait la chaleur de son être, sans fard et sans apprêt. Nous nous étions salués auparavant, créant une bulle d’intimité et de paix. Tout était simple, dénué de toute intention sexuelle, et quelque chose d’irréel et de sacré se dégageait de l’atmosphère, comme si nous participions à un rituel très ancien.
Tout doucement, dans un geste lent et recueillis, je posais mes mains sur son dos à la hauteur l’une des omoplates et l’autre au bas des reins, comme s’il s’agissait d’une prière. Immédiatement, son corps fut parcouru d’une vibration. Avant même le contact des peaux, je sentis son corps énergétique, et mes paumes se mirent à pétiller intérieurement. Les corps se rencontraient, nos êtres se connectaient.
Puis mes mains commencèrent à bouger, pratiquement d’elle-mêmes. Comme à chaque début de massage, je sentis une pointe de trac. Le massage sera-t-il à la hauteur de ses attentes? Saurais-je retrouver la magie des gestes qui viennent comme une grâce? Cela me rappela le temps où je faisais du dessin et que je croquais des portraits ou des paysages. Le moment des premiers traits où l’on se demande si le dessin va « sortir », s’il va être réussi. Et l’instant d’après quand émerge la forme globale de la feuille blanche avec l’apaisement qui en naît. Quelques traits seulement, mais une certitude que c’est là, que c’est arrivé. Je ressens la même chose à chaque massage, les premiers gestes sont encore donnés un peu par « moi » par ma technique, jusqu’à ce que je sente que « c’est là », que la connexion est présente et que je n’ai plus rien à « faire ». Et là les doigts peuvent se mouvoir d’eux-mêmes sur le corps de la massée. Ils peuvent entamer leur sarabande, leur valse, leur quadrille, leur rumba…
Car le massage tantrique n’est pas un massage, mais une danse. Comme un tango où le masseur (ou la) masseur(se) serait celui qui guide et le (ou la) massé(e) serait celui (celle) qui est guidé(e)1. Mais comme dans le tango, cette présentation est superficielle et erronée. A un niveau plus profond le masseur est inspiré par la massée, et la danse qui s’ensuit traduit seulement la circulation d’énergie qui traverse les deux êtres, sans que l’on puisse dire si ce sont les doigts qui massent ou le corps qui appelle les gestes de massage.
« Complètement novice, j’ai vécu cette expérience du massage tantrique comme un vol, l’impression de flotter était prédominante, quelques sensations étranges comme une naissance et quelque chose de sacré. Toute l’ambiance créée autour de nous, les bougies, la musique et le calme accompagnent à merveille l’état dans lequel H me plonge. La grande générosité d’H est très largement ressentie. Son toucher profond et long est incroyablement agréable. Une présence sans relâchement. Bref un rêve éveillé. Merci beaucoup pour ce cadeau ! » Massage d’une femme (H) à une femme (J)2
L’importance de la connexion …
J’aime dire que le massage tantrique est une ode à la délicatesse, au contact, à l’expérience extatique du corps qui retrouve ainsi son caractère sacré.3
Le maitre mot du massage tantrique est « connexion ». Connexion entre les doigts et la peau, connexion des corps, connexion des âmes. Par la manière dont il pose un cadre doux et propice à la relaxation, dénué d’intention sexuelle, le masseur pose les conditions de sécurité nécessaire à ce voyage des sens qui passe par un lâcher prise total. Ainsi, lorsque la massée s’abandonne au toucher subtil du masseur, elle se connecte à quelque chose de plus grand qu’elle, plus grand que lui, qui les enveloppe, les transcende et les inclus. Quelque chose qui les amène tous deux aux portes de la félicité.
Car le masseur voyage lui aussi. Lorsqu’il sait se connecter à cette Source qui l’anime, son état est celui d’une méditation active, car il ne pense plus et ses doigts suivent naturellement les courbes de la massée, animés de leur volonté propre, dans un respect total qui confine au sublime. Le masseur ne pense pas, il engendre une oeuvre d’art qui lui vient de ses propres profondeurs, animé par le corps du massé et les vibrations subtiles qui s’en dégage. Comme un dialogue sans parole. « viens un peu plus de ce côté » dit le corps de la massée « Passe par là, oui, là » et les doigts suivent ces demandes inconscientes et subtiles. C’est un acte charnel et sensuel (mais pas sexuel) où le mental disparaît au profit d’une autre communication, plus profonde, où le physique s’unit au cœur et à l’âme.
Cette communication des corps se rapproche pour moi beaucoup de l’haptonomie que j’avais découvert lorsque mon fils était encore dans le ventre de sa mère. Dès que je touchais délicatement le ventre rebondi, le bébé venait se lover dans le creux de ma main. C’était prodigieux et magique de pouvoir communiquer ainsi à un niveau corporel et subtil à la fois. Je me souviens encore de ma manière voir de l’époque, très emprunte d’une vision scientifique des choses. Je parlais à l’animatrice de ce cours en termes de stimuli et elle me reprenait en disant qu’il s’agissait en fait de propositions qui était données au bébé. Je grommelais dans mes dents qu’on pouvait bien appeler cela des propositions, il s’agissait néanmoins de la part du bébé, de réponses à des stimuli. Je n’avais pas tort sur le plan scientifique, mais j’étais à côté de la plaque en termes de description de ressenti.
Et il en est de même du massage tantrique: bien sûr qu’on peut dire qu’il y a un masseur qui touche un corps de telle ou telle manière. Mais ce n’est pas ce qui est réellement vécu dans un bon massage tantrique. On peut dire que le masseur fait une proposition au corps du massé, mais très vite, c’est ce corps qui vient guider le masseur dans ses mouvements.
Et plus les gestes sont lents, plus l’effet est important. C’est le paradoxe du toucher tantrique: il peut être profond ou léger, aller à la rencontre des zones profondes de la chair ou effleurer simplement la peau comme une aile de papillon, dans tous les cas il est caractérisé par sa lenteur. Je dirais même par son extrême lenteur car on parle à son égard de « plus lent que lent ». Quand le geste devient un non-mouvement, on ressent ce que les taoïstes appellent le wu-wei, le « non-agir » l’inscription de l’action dans un ordre transcendant qui nous dépasse.
Tout se passe alors comme si les organismes devenaient symbiotiques, comme si les corps parlaient dans leur langue inconsciente pour aller se rencontrer au plus profond de chacun. Le Deux se transforme en Un, il n’y a plus que l’Etre, plus que la Vie. Comme le témoignent les massés, on se sent régénéré, réintégré dans son corps et son âme.
« J’ai vécu une expérience merveilleuse de douceur et de bien-être dans la beauté et le plus grand respect du corps féminin. J’ai pu me reconnecter à mon corps et à mon âme, en lâchant prise pour redécouvrir celle que je suis. Une expérience magique que toute femme devrait faire. » Massage donné par un homme (E) à une femme (Ch).
« Merci pour ce massage si délicat et bienveillant qui m’a été donné. Dès le début j’ai été touché par ta présence d’une grande délicatesse et la connexion. La franchise et la douceur de ce toucher, en même temps que la sensation de cette présence bienveillante m’ont permis de m’abandonner en confiance. J’ai vécu un moment délicieux où je me suis senti accueilli et accepté dans ma globalité. Merci, merci pour ce cadeau. » Massage donné par une femme (I) à un homme (J.-P.)
Mais ici, sur cette page, ce sont des mots, et les mots ont du mal à décrire ce qui se passe. Ce que j’écris ici parle naturellement à tous ceux qui ont fiat l’expérience d’un massage tantrique de qualité. Et pour tous les autres, il est important de savoir que cela apparait totalement magique quand on en fait l’expérience.
« Comment “expliquer? Comment définir cette nouvelle sensation de bien-être, ce sentiment de vivre, d’être enfin moi-même? Commenter raconter ce merveilleux massages? Les mots me manquent quand les souvenirs déjà m’envahissent baignés dans une belle lumière chaude. Je me sens bien, je me sens très bien, je me sens libre. Une porte s’ouvre sur un nouveau monde plein de respect et de bienveillance. Merci tout simplement pour ce massage fantastique, merci, merci, merci. » Massage donné par une femme (Ch) à une autre femme (D).
- Pour éviter l’écriture inclusive de type « le (ou la) masseur(se) serait celui/celle qui guide et le (ou la) massé(e) serait celui (celle) qui est guidé(e) qui ralentit la lecture et en diminue le plaisir et la compréhension, je supposerais dans le texte, sauf mention du contraire, que le masseur est un homme, et la massée une femme. Le français n’est pas bien adapté au genre « neutre ». Mais tout ce qui est écrit peut être transposée dans le sens inverse où c’est une femme qui masse un homme (ou une femme qui masse une femme ou un homme qui masse un homme). ↩
- Tous les commentaires donnés sur cette page proviennent de massages donnés par les masseurs certifiés de Tantra-Intégral. ↩
- Cette phrase, que j’ai écrite en 2015 sur le site de Tantra Intégral est très souvent recopiée sur des sites de massage tantrique. J’y vois là le fait que nous sommes nombreux à ressentir la même chose… ↩