Par Jacques Ferber.
Deux événements me poussent à écrire cet article : d’une part le dernier exemplaire du monde des religions, qui porte sur “la femme dans les religions”, et le dernier commentaire de Dominique D. à mon post “La tragédie de l’homme”, avec lequel je suis tout à fait d’accord. Il écrit:
J’ai lu en diagonale un article de Andrew Cohen, que certains considèrent comme un enseignant spirituel, que les femmes avaient un égo plus fort que les hommes.
En effet, Andrew Cohen dit, dans le magazine What is Enlightment sur le développement spirituel des femmes que les femmes ont une plus grande réticence que les hommes à aller au-delà de l’ego… En fait, c’est surtout dû au fait qu’Andrew Cohen ne comprend rien à l’essence du féminin, et qu’il ne connait que la manière yang du dépassement, la voie de l’action et de l’héroïsme, avec le risque, comme je l’ai dit dans un autre post “Andrew Cohen à 50%” (sur un autre blog “visionsintegrales”) d’avoir oublié le féminin :
Il [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][Andrew Cohen] manque à son système de développement spirituel la moitié de l’histoire, à savoir le féminin dans toutes ses dimensions d’extase, d’amour, et de compassion, féminin qui apparaît comme totalement absent de son enseignement, voire explicitement rejeté.
En fait il se coupe d’une dimension fondamentale qui est celle de l’accueil de l’autre en soi, la réception du divin dans son cœur et son corps. D’ailleurs l’article de la conversation entre A. Cohen et K. Wilber (The Pandit and the Guru) sur les femmes serait à pleurer de rire si ce n’étaient pas des enseignants spirituels aussi chevronnés. (Note : j’adore profondément le travail de Ken Wilber, mais lui aussi, la seule faille dans son système concerne la relation et le féminin, même si c’est moins fort que pour A. Cohen. Au moins K. Wilber a pour lui le fait qu’il adore les femmes, et que, lorsque ces femmes sont vraiment authentiques, avancées et féminines, il est capable d’être bougé et interpellé par ce féminin. Cf. son livre “Grace and Grit” qui m’a profondément ému).
Dans l’article Les grandes mystiques, paru dans le numéro 33 du “Monde des religions”, Ysé Tardan-Masquelier, rappelle que Thérèse d’Avila affirmait ”Il y a beaucoup plus que femmes que d’hommes favorisés par ce genre de grâce” et elle parlait là d’extase mystique. D’autres personnes sont citées à l’appui pour montrer que les femmes dans le domaine de la spiritualité sont au moins aussi capables que les hommes (voire sinon plus) d’avancer dans le domaine spirituel, à condition d’employer bien évidemment le chemin qui leur convient. Thérèse d’Avila, en tant que femme et mystique a exploré la voie féminine de l’extase mystique, celle qui passe par la réception du divin en soi. Voie tellement évidente pour nombre de femmes. J’ai en effet rencontré plusieurs femmes qui par la pratique tantrique mettant en jeu la réception de l’autre en soi (combinaison de pratiques sensuelles, énergétiques et spirituelles), peuvent atteindre des niveaux très profond d’extase mystique, de dissolution et de fusion avec le divin, des états situés très nettement au-delà de l’ego. Le nombre de femmes se connectant au divin par la voie de l’extase semble bien supérieur aux hommes. Et d’ailleurs, comme je l’ai dit dans mon post précédent, c’est en développant leur part féminine, de réception et d’accueil du divin en soi, que les hommes atteignent ces niveaux, en devenant des “hommes creux” comme peuvent l’être les chamanes amérindiens (comme le rappelle Dominique D. dans son commentaire), ou être un bambou creux comme le rappelle Tilopa (voir le livre d’Osho : “Tantra Suprême sagesse” dont un résumé et extrait se trouve sur ce site et dont l’importance pour le développement spirituel est rappelé par Sudheer). Tilopa dit en effet :
“Devenez comme un bambou creux, sans rien à l’intérieur alors les lèvres du Divin sont sur vous, le bambou creux devient flûte et le chant s’élève, c’est le chant du Mahamudra.”
Devenez totalement réceptif, ouvert, sans rien dedans, c’est à dire sans ego et sans mental, et naturellement le divin joue en vous comme un musicien joue de la flûte et cet état correspond à un Grand Orgasme avec l’Univers.
Pour un homme, parvenir à cet état de réceptivité, est souvent précédé d’une lutte initiale avec le mental, et résulte d’un grand travail pour aller au delà de l’ego. Pour la femme, c’est beaucoup plus simple. Elle connaît intuitivement (si elle a une sexualité épanouie) l’attitude à adopter pour s’ouvrir intérieurement et accueillir l’autre en soi. Il s’agit simplement de se connecter à son centre, son « utérus » (mauvaise traduction de “womb” mais je n’ai pas mieux) et sa yoni (son sexe), et d’aller au plus profond d’elle-même, en s’ouvrant dans un relâchement total…. c’est à dire en se dissolvant et en s’unissant à l’autre. Cela peut se faire dans l’acte amoureux, ou bien comme pour Thérèse d’Avila, ou d’autres mystiques femmes, dans l’acte d’union avec le divin, considéré ici comme une composante masculine venant la pénétrer.
L’extase de Thérèse d’Avila est très caractéristique de ce type d’extase divine au féminin. Voici la description de l’une de ses extases sur ce site:
Quelque chose d’insinuant et doux ; elle se demandait si ce songe étrange n’était point un avertissement ; elle n’a qu’à descendre en elle-même, qu’à creuser son âme et la certitude vient ; ce n’est pas le sentiment d’une présence individuelle, c’est une sorte d’enveloppement aussi vague et informe que celui d’une eau la baignant ou d’une lumière diffuse matériellement sentie ; pourtant il est rare, incertain, trompe son espoir ; mais l’espoir suffit qu’il puisse revenir encore et elle vit jour après jour, le cherchant au fond de son âme ; frémissant déjà de pressentir que viendra son impalpable et sereine invasion.
Ce fut d’abord à peine comme un allégement, une sensation fuyante de légèreté ; puis tout d’un coup, une suavité dilata sa poitrine ; c’était comme une inondation si soudaine que le cœur semblait prêt à se rompre ; ses yeux ne voyaient plus ; alors la joie l’enveloppe, étreignit ses sens ; puis tout s’efface ; mais quelque chose d’inconnu lui demeurait : une sensation d’allégresse, une dilatation d’amour.
L’ineffable la pénétrait, ne faisait plus qu’un avec elle ; parfois, elle chancelait sous sa violence ; cet amour l’envahissait à flot égal comme une mer qui sans cesse gagne du rivage, ne lui laissait plus rien d’elle-même ; quelque chose en elle se dissolvait délicieusement jusque dans sa propre matière ; elle sentait une projection toute puissante l’enserrer à jamais sans pouvoir s’y soustraire ; l’impulsion de la volonté divine chassait sa propre volonté ; elle ne pouvait que lui offrir sa soumission et sa passivité radieuse ; il lui arrivait de connaître un tel délice, et une telle crainte que ce délice cessât, qu’elle versait malgré elle des larmes et que la gorge étranglait, elle ne savait plus si elle souffrait ou si elle défaillait de joie.
Ayant vécu l’une de ces extases un jour, alors que j’étais plein d’une grande gratitude envers le divin pour m’avoir accordé le privilège d’avoir connu ce que c’est d’exister, et même si mon extase n’a pas été jusqu’à la pénétration et la fusion avec lui, je connais cette dilatation d’amour profonde, qui s’exprime comme un flux délicieux qui emplit et dilate la poitrine en déversant des flots d’amour. Je la vécus pendant quelques heures, et de temps en temps cette expérience se reproduit.. Dans ces moments, l’ego disparaît comme s’il n’était plus nécessaire, l’amour prenant toute la place. Dans cet amour, il n’y a plus de peurs, ni plus de désirs autres que de s’unir au divin… Malheureusement, ces “peak experience” ne durent pas, et bien qu’elles me montrent le chemin de la sagesse et de la compassion, je ne suis toujours pas réellement sage, et je ne vis pas cet amour inconditionnel et sans objet dans la vie de tous les jours… En gros, je ne suis pas candidat à la béatification :- )
Ce que je veux dire ici c’est que l’extase divine est un mouvement féminin. C’est quand je suis dans la gratitude, le cœur ouvert que ces extases apparaissent, pas en cherchant à déboulonner l’ego par des techniques d’humiliation, comme le prônent certains maîtres spirituels, qui d’ailleurs n’ont jamais reçu l’illumination de cette manière… (A lire la description faite par une femme des “tortures mentales” infligées par A. Cohen pour qu’elles dépassent leur ego).
En fait, les femmes, si elles ne se laissent pas aller à des “préoccupations futiles” pour employer les mots de Thérèse d’Avila, peuvent atteindre rapidement et plus facilement que les hommes des états d’éveil importants. Mais à condition de respecter leur polarité féminine et pas de leur demander d’appliquer des techniques de commando contre l’ego, qui alors réagit naturellement en se durcissant, ou, comme c’est le plus souvent le cas pour les femmes, en se transformant en dépression, voire en maladie somatique.
En fait, comme le dit Dominique D. dans son commentaire:
C’est comme si les femmes étaient plus « souples », et que, ce faisant, comme elles avaient déjà faits 90% du chemin, elles avaient peut être moins d’appétit pour les 10% restants. En d’autres termes, les femmes me semblent beaucoup mieux nanties à la base que les hommes.
Mais comme il y a beaucoup plus de maîtres spirituels que de “maitresses” spirituelles, plus exactement plus d’hommes qui enseignent, parlent et écrivent que de femmes, cette expérience du divin au féminin est peu transmis. Mais cela évolue, et comme de plus en plus de femmes voient leur conscience s’éveiller, par des voies “masculine” parfois, mais aussi de toutes autres manières, elle font profiter le monde de leurs découvertes.
Personnellement, j’aime beaucoup la méditation assise, que je pratique parfois formellement (sur un coussin, etc..) et parfois informellement (rester là, juste là comme dans un arrêt sur image en s’ouvrant à l’instant présent). Ma compagne, Véronique, aime moins que moi la méditation assise qu’elle pratique pourtant très souvent mais qui 1) lui semble difficile, 2) ne comble pas totalement son être. Elle préfère la méditation au quotidien dans les activités de tous les jours, ou bien dans la danse et bien évidemment dans la pratique tantrique en couple. Et de nos échanges, il nous est venu comme une évidence qu’il y avait une autre démarche de méditation que celle qui passe par l’immobilité en lotus (il y a aussi les méditations dynamiques d’Osho, mais Osho disait lui-même que ces méditations étaient en fait des techniques de préparation pour les occidentaux qui ne savent pas méditer assis…). Si l’immobilité et le fait de rester témoin de soi-même, comme dans Vipassana, est la voie de la conscience, la voie du cœur peut passer par d’autres formes, comme en témoigne les danses et les mouvements des derviches.
Il s’agit alors, je la cite, de “tenter de mieux percevoir ce qui est spécifique à nos expériences « féminines » de méditation : entre l’assise et le mouvement, entre la conscience et l’ivresse des sens, entre le vide et le délié. ” La plénitude et le vide, l’union divine, mais en reconnaissant Shakti derrière toutes les femmes, c’est à dire la danse de la vie dans toutes ses manifestations..
On est ici bien loin des affirmations à l’emporte pièce d’Andrew Cohen concernant les femmes…
Merci à tous ceux qui écrivent des commentaires… c’est très nourrissant..
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