par Jacques Ferber.
Dans tous les stages de Tantra, la première règle qui est posée est celle du respect de soi et de l’autre. Qu’est ce que cela signifie profondément?
Se respecter c’est se donner la possibilité de faire un travail profond, en intégrant ses ressentis. Le Tantra, par le travail relationnel qu’il propose, nous fait toucher nos blessures et nos peurs. Car l’autre est un merveilleux miroir de nous mêmes, et toutes les pratiques “solitaires” (méditation, prière,..) n’ont pas ce pouvoir pour aller débusquer ces zones d’ombres qui nous constituent tout autant que notre lumière. Et c’est dans ce double respect (de soi et de l’autre) que nous pouvons entrer en relation profonde avec nous mêmes au travers et avec l’autre.
Respect de soi : agrandir notre zone de confort
La première phase de l’amour de soi, consiste à savoir s’écouter et à se rendre compte que notre corps nous appartient totalement, que nous sommes les maîtres de nous-mêmes. Nous n’avons à pas à suivre aveuglément des consignes, si elles viennent en contradiction avec notre ressenti profond, si l’on sent qu’elles ne nous conviennent pas et que l’on se fait du mal en les appliquant à la lettre. Nous avons le droit, même le devoir, de dire nos limites, en sachant qu’il est naturel d’en avoir et que chacun possède les siennes. L’amour est d’abord acceptation de ce qui est…
Pour certains les limites se situent plus dans le corporel et le toucher, pour d’autres dans l’ouverture du cœur, pour d’autres encore dans le contact des âmes. C’est ainsi. Nous sommes pour l’instant avec cela, et nous pouvons juste embrasser avec amour l’être que nous sommes aujourd’hui, tout en sachant que tout peut évoluer et que les limites d’aujourd’hui seront différentes demain.
Dans mes stages, je donne souvent l’image d’un tapis et de ses franges. Le tapis, c’est la zone de confort, l’extérieur du tapis ce qui peut être dangereux. Le tantra, comme toutes les traditions authentiques de développement spirituel, nous invite à aller explorer les franges du tapis, là où ce n’est plus vraiment confortable, mais sans pour autant se faire du mal et renforcer un trauma. Une fois qu’on a bien exploré ces franges, tout se passe comme si le tapis s’agrandissait et venait recouvrir la zone des franges, cette dernière venant s’étendre elle-aussi pour occuper un peu de la place considérée auparavant comme dangereuse. La taille du tapis n’est donc pas fixe, elle évolue avec le temps. La zone de confort s’agrandit et les franges viennent toucher des zones de plus en plus éloignées de nos habitudes initiales. Cette métaphore nous conseille ainsi d’élargir progressivement notre champ des possibles à notre rythme.
Respect de l’autre
Respecter l’autre, c’est le considérer comme un sujet à part entière, comme un autre soi-même. Au contraire, pousser l’autre à faire quelque chose qui ne lui convient pas c’est le considérer comme un objet que l’on prend ou comme une marionnette que l’on tente de manipuler. Le “travail” tantrique consiste essentiellement dans un dépouillement de ses propres modes de fonctionnement habituels pour atteindre la pureté de l’âme, et pouvoir ainsi communiquer avec l’autre dans la profondeur de l’être, et non en réaction égotique.
Par exemple, si je tente de “prendre” l’autre pour assouvir mon désir, je le (ou la) perds car je ne peux plus entrer dans ce contact profond des âmes, et je me perds aussi moi-même en laissant mes pulsions prendre le contrôle de mon être. Inversement, en respectant l’autre, non seulement je l’aide à se respecter lui-même, en lui donnant confiance, mais encore je donne la possibilité à la Vie de m’offrir quelque chose que je n’avais pas prévu.
Ainsi, lorsqu’un homme, tout en restant dans sa puissance, respecte la femme, cette dernière le sent immédiatement. Tous ses capteurs lui disent que cet homme est ok, qu’elle peut avoir confiance en lui, qu’elle peut s’abandonner en confiance. Elle peut ainsi se laisser aller dans sa profondeur et contacter sa puissance féminine pour donner en retour, souvent au centuple, ce que l’homme vient de lui donner. Par sa présence simple, immédiate, qui ne cherche pas à prendre, mais à partager, l’homme vient ainsi de créer les conditions d’une merveille, d’une extase réciproque effectuée dans le don de soi. En la respectant, il lui fait don de sa présence, et il donne la possibilité à la femme de lui offrir bien plus que ce qu’il attendait, car le don ne peut s’effectuer que dans l’ouverture et la confiance.
Le Tantra nous invite à passer d’une relation de possession et de plaisir de l’ego pulsionnel (“je te prends car j’ai envie de toi” ou bien “reste avec moi, car je me sens seule”) à une relation d’âme fondée sur le don (“je t’offre ma présence en ouvrant mon cœur”, “je m’offre à toi dans l’amour et le lâcher prise”).
Le cadre permet d’oser et d’entendre le guide intérieur
C’est pourquoi la présence de l’animateur et les consignes qu’il donne, et au delà le rayonnement dont il est porteur, sont essentiels. Lorsqu’il est vraiment aligné, l’animateur permet à chacun d’aller plus loin en confiance. On peut ainsi oser s’aventurer vers de nouveaux rivages et oser être soi-même en se libérant de ses chaînes psychiques, en se sachant accompagné, épaulé, protégé. L’élargissement de nos possibles se fait alors naturellement et l’on voit le tapis grandir, grandir, grandir… C’est alors que la magie du tantra intervient, cette capacité à entrer dans des espaces incroyables de manière naturelle comme si c’était évident…
Mais parfois l’animateur peut ne pas voir l’état d’un(e) participant(e) et proposer quelque chose qui est trop fort par rapport à ce qu’il ou elle peut accomplir. Le risque alors, c’est de suivre aveuglément ses consignes en se disant que nécessairement “il sait” et que tout ce qu’il dira sera bon pour soi, alors que l’on n’est pas prêt. Heureusement, à l’intérieur de nous vit un maître, notre guide intérieur, beaucoup plus puissant que tout animateur quel qu’il soit. Et lorsque ces deux voix sont en contradiction il est important d’écouter ses ressentis qui nous guide sur notre chemin.
Pour les femmes, ce guide intérieur se situe souvent dans leur “grotte sacrée”, leur Yoni. Malheureusement, beaucoup de femmes n’ont pas accès à leur source de sagesse intérieure, car elles en ont été coupées par leur histoire personnelle parfois mais aussi par une culture patriarcale de plusieurs milliers d’années qui a nié la féminité et notamment la relation, “naturelle” pour une femme, qui existe entre sexualité et spiritualité (Il suffit de voir le culte de la vierge Marie ou le sort des femmes dans l’Islam pour comprendre que la féminité ne fait pas bon ménage avec les cultures monothéistes). De ce fait, elles se tournent naturellement vers l’homme, et notamment l’animateur si c’est un homme, en croyant qu’il saura mieux qu’elles ce qui leur sera bon.
Personnellement, dans mes stages, j’essaye de ne pas répondre directement à ces questions, mais d’aider la femme à se reconnecter à cette source de sagesse, au delà du mental et des peurs. Car en effet, des peurs fortes peuvent masquer les ressentis profonds, et provoquer des crispation ou des envies de tout contrôler plutôt qu’à se laisser aller à sa sagesse intérieure…
Il en est de même pour beaucoup d’hommes qui ont du mal à s’ouvrir à leur féminin intérieur, car pour l’homme comme pour la femme, c’est souvent le féminin qui a été nié et meurtri (on commence aussi à voir des masculins « castrés » et j’en parle notamment dans L’amant tantrique, mais ce n’est pas l’objet de cet article). Chez l’homme, le féminin se trouve localisé principalement dans le coeur, et tant que le cœur n’est pas ouvert, l’aspect pulsionnel passe directement du sexe au cœur, produisant des phantasmes objétisant, empêchant ainsi la relation vraie. Ce sont plus les pulsions que les peurs qui sont à maîtriser chez l’homme, même si les peurs d’envahissement ou celles de ne pas être à la hauteur sont aussi très présentes. C’est dans l’alignement sexe, hara (ventre), cœur que se situe la connexion au guide intérieur chez l’homme. Souvent vécu comme s’il avait un sage dans son ventre, ce guide intérieur peut prendre différentes formes (voix intérieure, présence, sensations, intuition, etc.) qui l’amène à “voir” ses pulsions et à les contempler sans y être soumis, ce qui est une des voies tantriques de l’extase (la contemplation du désir et le relâchement dans ce désir sans chercher à le satisfaire mais sans non plus le réprimer est l’une des clés de l’extase tantrique).
C’est pourquoi, dans l’interaction bienveillante, en tant qu’animateur de stages, j’aide chacun à aller trouver son guide intérieur, afin qu’il ou elle puisse dépasser ses peurs sans pour autant aller dans la zone douloureuse du trauma. Et c’est dans cette relation à soi et à l’autre que le tantra, et notamment le Tantra Intégral que je propose, constitue un véritable chemin de développement de soi, une capacité à se transformer pour vivre la vie pleinement et en Joie.