Par Jacques Ferber.
Eva (le nom est changé) est belle, grande, sensuelle. Elle fait chavirer les hommes par sa manière séductrice et sexy de les aborder. Elle envoie un fort signal sexuel, et les hommes se disent « elle en veut ». Super, je vais lui en donner !
Mais quand on connait Eva, ce n’est pas exactement ça. Bien sûr elle a une sensualité débordante, mais elle ne désire réellement la partager qu’avec l’homme (ou les hommes) qu’elle aime, et pas avec tous ceux qui passent. Elle voudrait surtout rencontrer un homme tendre, protecteur, accueillant, un homme avec lequel elle puisse se sentir en harmonie, sexe, cœur, tête. Mais à l’heure actuelle, sa vie sentimentale est tumultueuse et elle a du mal à rencontrer des hommes puissants qui l’aiment « pour elle-même » et pas seulement pour son physique. Et donc, elle a l’impression de « se faire avoir ». Surtout, elle manque de confiance en elle, dans sa capacité à « être vraiment une femme », à trouver ses repères en elle-même, sans aller les chercher auprès des hommes.
Elle voudrait plus de tendresse, d’affection, sans pour autant renier sa part sauvage de désir et d’élan de vie. Mais elle croit parfois, en son for intérieur, qu’elle n’est pas digne de recevoir cet amour, qu’elle a besoin d’en faire plus, de séduire par son sex-appeal ces hommes qui, autrement, ne la verraient pas. Et les hommes l’abordent en fonction de ce qu’elle dégage, une femme sexy qui donne l’impression qu’elle est une bête de sexe. Comme en plus, cela correspond à leur désir, ils ne voient pas la détresse affective qui se cache sous cette apparence de bombe sexuelle. Dans cette histoire, personne n’est vraiment satisfait : elle ne reçoit pas l’amour qu’elle souhaite, et les hommes pensent qu’elle les allument. Et lorsqu’elle va avec ces hommes qui la désirent sans amour, elle a l’impression de ne pas se respecter.
L’importance de la relation au père
Cette tragédie que vit Eva vient entre autre de sa relation manquante à son père. D’un côté, elle est élevée par sa mère, rigide et austère, qui la dénigre dans sa féminité en lui interdisant de montrer ses formes et de ne pas s’attacher à la beauté extérieure. De l’autre, son père, très distant et très peu présent (elle ne le voit qu’un ou deux week-end par mois et en plus il est toujours en voyage), la met en garde de ne pas voir trop de garçons (sinon on va te traiter de « Marie couche toi là »), tout en étant bel homme, joyeux, amoureux des belles femmes. Comment se construire ainsi dans cette ambivalente image du père ? Dans cet être de désir qu’elle sent chez son père (mais pas sa mère) et qu’elle vit à l’intérieur d’elle. Comment être juste dans son comportement à l’homme.
Dans l’éducation des enfants, on a souvent parlé du rôle de la mère, mais le rôle du père est très important. Dans les ouvrages qui parlent du père, il y a bien entendu le magnifique livre de Guy Corneau « Père manquant, fils manqué » qui montre comment la faible présence du Père conduit à des problèmes dans l’identité masculine.
Mais il en est de même des femmes. Le rôle du père est considérable, car il est celui qui va aider la fille à créer son identité de femme. Il est le premier homme que va séduire la petite fille, sa première histoire d’amour. Et c’est donc au départ avec lui qu’elle va se constituer en tant qu’être sexué, afin d’être reconnue ni comme un garçon, ni comme une pute, ni comme une nonne, mais comme une femme sexuée. Dans le regard d’un père bienveillant et ouvert, elle va pouvoir trouver l’autorisation de ce qu’elle ressent, à valider son intuition, à être aimée pour qui elle est, sans devoir se conformer à un rôle particulier. Avec un père « fier d’elle », elle va trouver aussi la force et la confiance en soi, les ressources pour s’affirmer dans la vie et pouvoir faire des choix assumés.
Et bien entendu, il ne s’agit surtout pas qu’il prenne cette fille comme amante, comme le roi incestueux dans Peau d’Ane, le conte de Charles Perrault, qui aime tellement sa fille qu’il veut l’épouser. Aimer oui, mais franchir le tabou de l’inceste, non.
Comme le dit Didier Lauru, psychanalyste et auteur de Père-fille, une histoire de regard (éd.Albin Michel). « Le père doit tout faire pour que sa fille renonce à lui en tant que partenaire amoureux, mais est censé aussi la rassurer sur deux choses : sa féminité, sa capacité de séduction et son intelligence, ses capacités à se débrouiller seule. »
Si ce regard n’est pas présent, il s’ensuit souvent un manque de confiance en soi chez la femme, une fermeture à la féminité (la fille guerrière, ou la nonne) ou inversement à une sur-valorisation du côté sexy (la séductrice), assorti d’un grand manque affectif. Car en effet, les femmes n’ayant pas été assez « vues » par leur père développent facilement une dépendance affective dans leur relation, ce qui les met à la merci des manipulateurs en tous genres.
Les 3 phrases du père
Le rôle du père peut se résumer à ces trois phrases essentielles (dites du point de vue du père) :
- Tu es belle, ma fille, je te reconnais comme femme : je te reconnais dans ta féminité, dans tous tes aspects « féminins », sans chercher à te mouler dans ma vision de ce que devrait être la femme. Tu es libre d’être qui tu es, avec tes changements d’humeur, la recherche de ton look qui te convient, et ainsi de pouvoir combiner Eve et Lilith, la douce et la sauvage qui sont en toi. Tu es femme !
- Je t’aime, mais tu n’es pas pour moi : je t’aime dans un amour inconditionnel, mais je ne te veux pas pour moi. Tu n’es ni mon épouse, ni ma maîtresse. Je t’aime avec tendresse, avec amour, mais sans désir… Et je t’accueille dans mes bras pour que tu viennes te blottir chaque fois que tu le désires, chaque fois que tu te sens blessée, ou tout simplement pour recevoir un peu de cette tendresse que j’aime à te donner. Tu es ma princesse mais tu seras reine avec un autre homme (ou une autre femme si tu le désires). Je t’aime..
- Va, j’ai confiance en toi, en ton ressenti. Par ma confiance en toi, je t’aide à avoir confiance en toi. Je sais que tu vas trouver à l’intérieur de toi les ressources nécessaires pour traverser les épreuves que la vie ne manquera pas de poser devant tes pas. Car tu possèdes en toi un trésor incroyable : la capacité de savoir ce qui est juste ou non sans passer par tout le processus complexe de cette raison qui est trop souvent utilisée comme une justification de nos peurs. Ne laisse jamais personne te dire que ce que tu ressens n’est pas juste et bien au contraire fais confiance à ton intuition. J’ai confiance en toi.
Et grâce à cette confiance en elle, la fille va pouvoir se détacher de l’amour qu’elle voue naturellement à son père (on parle parfois de complexe d’Electre, le pendant du complexe d’Oedipe pour la fille), pour aimer un autre homme que son père. Mais cet amour initial est essentiel, car sans cette première histoire d’amour avec son père, il est difficile de créer une histoire d’amour avec un autre homme sans tomber dans le manque et la dépendance affective. D’où l’importance à la fois de cet amour fille-père et de son nécessaire détachement.
L’archer et la flèche
C’est avec ces trois phrases en tête que j’ai accompagné ma fille dans son épanouissement. Je me souviens encore, quand elle avait 16 ans et que dans la voiture je lui avais parlé de ce poème de Khalil Gilbran dans « Le prophète »:
Vos enfants ne sont pas vos enfants, Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous, car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
Et je me souviens de notre émotion partagée lorsque nous avons compris tout cela. Qu’à la fois elle pouvait compter sur moi, mais aussi qu’elle avait sa vie à vivre. Le père (comme la mère) n’est que l’archer, et même si ce rôle est noble et délicat, il n’est pas la flèche qui continue son chemin, pour « voler vite et loin ». Et cette fille-flèche, deviendra femme, et sera peut-être archère à son tour vis à vis de ses enfants.
Ces trois phrases sont devenues la source de mon rôle d’animateur, et je les transmet avec joie à tous les pères que leurs filles soient toutes petites ou déjà grandes. Car il n’est jamais trop tard. Vous les pères, osez dire ces phrases et encore plus, vous comportez à partir de ces phrases là… Et pour vous les femmes qui n’avez pas entendu ces phrases, sachez qu’un autre homme peut faire office de père, l’espace d’un instant. Il peut vous dire ces phrases, pour que vous les laissiez couler au fond de vous-mêmes. Il peut vous accueillir dans ses bras dans lesquels vous venez vous blottir, afin d’y trouver l’énergie d’amour qui vous permette d’incarner le féminin dans toutes ses dimensions, aussi bien sur le plan émotionnel et relationnel, que sur le plan professionnel et social.
Au travers de la tendresse qui se manifeste ainsi, dans cette relation d’homme à femme (attention à ne pas tomber dans le piège de la projection paternelle ????), l’homme peut aider la femme à s’ouvrir avec confiance à la vie, à diminuer sa dépendance affective et à incarner sa féminité. Et il recevra en retour la puissance du féminin épanoui.
Aujourd’hui, Eva, a fait un chemin extraordinaire. Elle est passée par des moments de vide, d’angoisse et de profond désespoir. Comme elle le dit:
« J’en en avais marre de partir en guerre, en chasse, pour obtenir des miettes d’affection, d’attention, en amitié ou en amour. J’ai décidé à ce moment là de revenir en moi, même si c’est triste et angoissant. Et j’ai compris alors que c’est moi que je cherche à connecter, que je dois commencer par là. Exister d’abord par moi-même et pour moi-même. »
« Les stages de Tantra (stages femmes et massages, amant et déesse, etc.), m’ont permis de commencer à canaliser ce feu qui bouillait en moi, et d’accueillir mieux mon être total, afin d’intégrer une relation claire à l’homme ».
Pour retrouver le chemin de la féminité et se construire même avec un père absent ou trop présent Tantra-integral vous propose « des stages au féminin« (animés par Claudie Morizot, ainsi que des stages de massages tantriques animés par Joelle Charles et moi, où vous apprendrez à donner et à recevoir du contact vrai, sensuel et doux, connecté avec l’autre, dans un cadre sécurisé, pour (re)trouver votre corps de déesse nourri, honoré, comblé.