Par Jacques Ferber.
La vie est simple comme une toupie qui tourne dans une main. Le monde est simple une fois qu’on a compris comment il fonctionne… et surtout quand on a réalisé pourquoi il nous apparait compliqué. Cela ne signifie pas que le monde ne soit pas complexe, mais que nous pouvons surfer sur sa complexité. Car comme le montre Joel de Rosnay, dans son livre «surfer la vie», il est possible de ‘sur-vivre’ en voyant le surf comme une métaphore de la vie. Vu de l’extérieur, on pourrait se dire que le surfer doit résoudre tout un ensemble de problèmes extrêmement difficiles pour rester sur sa planche et utiliser l’énergie de la vague. Mais lui-même ne le fait pas en cherchant à trouver une solution à un problème, mais simplement en étant présent à la situation, en «sentant» intuitivement son corps et la vague. Et c’est ainsi aussi dans la vie: ll s’agit d’aller au delà de l’apparence initiale et voir la simplicité qui se trouve derrière en nous «connectant» à cette intuition profonde qui est en nous, comme nous l’avions vu dans les deux articles portant sur la fluidité du dauphin, le premier sur l’intelligence intuitive et le second sur la métaphore de la vie comme une descente de rivière.
Personnellement, je suis un grand fan de ce qu’on appelle «les systèmes complexes» c’est-à-dire de la science qui essaye de comprendre comment fonctionnent les systèmes composés d’un grand nombre d’entités en interaction, tels que les organismes vivants, les sociétés humaines et animales, les éco-systèmes, le monde des idées, etc. C’est même l’objet de mon travail de recherche à l’Université. Ces systèmes on un comportement extrêmement difficile à prédire, car ils exhibent des phénomènes semblables à cet «effet Papillon» (issue de la théorie du chaos, une des grandes théories de l’analyse des systèmes complexes), dans lequel de petite perturbations locales peuvent entrainer de grandes fluctuations globales, l’image poétique étant que le simple battement d’ailes de papillons à un endroit de la planète peut engendrer des ouragans à milliers de kilomètres de là. Plus prosaïquement, la crise financière de 2008 est un bon exemple de cet effet papillon, où le manque de solvabilité financière de quelques américains a failli écrouler toute l’économie mondiale, à la suite de tout un ensemble d’événements en cascades, pour aboutir aux crises de la Grèce et de l’Espagne notamment.
Mais en fait, au delà des équations et du détail de toutes les interactions, ces systèmes deviennent simple à comprendre si l’on dispose d’une plus grande hauteur de vue et que l’on constate que leur dynamique se résume finalement à quelques principes fondamentaux
Il en est de même pour notre quotidien. Lorsqu’on se trouve pressé de toutes part, il peut être tentant de croire que tout est compliqué, qu’il est impossible de s’en sortir et de trouver une issue. On peut se sentir désemparé, pris par des contraintes familiales, professionnelles, relationnelles, etc. On se croit «obligé de», c’est-à-dire que l’on prend toutes ces pressions que l’on sent autour de nous comme des choses tangibles que l’on ne peut pas remettre en question. Comme des contraintes et non comme des pressions. On croit que l’on «doit» agir d’une certaine manière, «qu’il faut» être comme ci ou comme ça. Mais tout cela, quand on les regarde avec attention, n’ont pas plus de solidité que celle qu’on veut leur donner. Ce sont des écrans que l’on se met soi-même devant les yeux pour ne pas voir nos propres peurs.
Mais une fois que l’on a compris qu’il suffit d’aligner ses aspirations profondes avec ses actions tout en restant ouvert et accueillant à ce qui est, on constate que tout le reste, c’est-à-dire tout ce que l’on se raconte pour justifier le fait que l’on n’accomplisse pas ses désirs profonds, est uniquement déterminé par les peurs qu’il s’agit de traverser pour vivre pleinement. Alors, la vie devient extrêmement simple. Il n’y a plus qu’à mettre notre GPS intérieur sur «aspiration profondes» et à avancer. Tout le reste viendra naturellement avec le temps. Telle une toupie qui tourne sur elle même sans que nous ayons à connaitre les lois de la mécanique pour comprendre son fonctionnement, notre vie devient centrée, dynamique et équilibrée.
Parmi ces aspirations profondes, il y a le fait d’aimer et d’être aimé (comme de toucher et d’être touché). Il peut y avoir des différence individuelles portant sur la nature et l’intensité des besoins affectifs, mais globalement tout le monde aspire à vivre dans un «bain d’amour» avec ceux que l’on aime. Pourquoi n’y arrivons nous pas? Pourquoi ce besoin de chacun n’est pas naturellement satisfait. Tout simplement parce que nos peurs et nos souffrances liées à des demandes infantiles (« je veux qu’il soit tout à moi et qu’il porte son attention sur moi en permanence», «je veux qu’elle n’aime que moi», «je veux qu’elle me reconnaisse», «je veux être sûr que tout se passera comme on l’a dit», etc. ) viennent se mettre dans le chemin et nous empêchent de jouir à chaque instant des cadeaux que nous offrent la Vie.
Alors que nous vivons dans un monde relativement abondant (le mode de vie en terme de sécurité, confort, hygiène et santé d’un employé est bien supérieur à celui de Louis XIV), nous nous comportons encore comme si nous vivions à l’âge de la pierre taillée en ayant peur du lendemain et de l’agression permanente de la vie et des autres. Un exemple, pour montrer notre irrationalité dans ce domaine : beaucoup de personnes ont peur en avion, alors que c’est un des systèmes de transport les plus sûr, alors qu’elles n’ont aucune appréhension en voiture, pourtant beaucoup plus dangereux.
En réalité, nous n’avons pas peur parce qu’il y a un risque ou un danger, mais parce que nous avons l’impression de ne pas avoir de contrôle sur ce qui nous arrive. Finalement notre plus grande peur ne porte pas sur un danger réel et parfaitement identifié, mais sur tout ce qui est inconnu et qui sort de notre ordinaire (qui peut être différent d’une personne à une autre). L’avion «n’est pas ordinaire» au sens que voler n’est pas une capacité naturelle de l’être humain et que nous n’avons pas développé, tout jeune, de compétences particulières pour savoir nous situer dans les airs. Et dans ce cas, la peur peut être si puissante que certains (mon père en faisait partie) préfèrent ne pas voyager plutôt que d’avoir à affronter cette peur. Mais en fait, si la phobie de l’avions est assez compréhensible, nos peurs sont légions et nous inhibons en permanence notre comportement du fait que nous ayons peur de ce que vont penser les autres ou de ne plus être aimé, peur d’être leader, d’être rejeté ou abandonné, etc. Et toutes ces peurs sont limitantes, au sens où elles nous empêchent de vivre pleinement notre vie. Dès que l’on se soucie moins d’être aimé ou du «qu’en dira-t-on», tout un ensemble d’opportunités s’offrent à nous et il n’y a plus qu’à les saisir. Faut-il encore diminuer ces peurs. Tout notre travail consiste finalement à nous «dépouiller» à nous «mettre à nu» de tous ces habits qui masquent notre être essentiel. Le chemin peut paraître difficile voir parfois «complexe», mais ce n’est que parce que nous ne voyons pas l’ensemble, l’image globale de notre vie ainsi que les règles générales qui sous-tendent la dynamique de toute vie.
Alors peut on vivre simplement ? Oui, même si finalement ce n’est pas aussi facile que cela parait, du fait que nous nous préférons souvent écouter notre peur que notre enthousiasme. En réalité, il s’agit juste de franchir ces peurs pour reconnaitre l’espace de liberté qui s’étend au delà de nos représentations étriquées qui nous disent ce que doit être la Vie.
Et de cette simplicité émerge naturellement la joie profonde d’être, le bonheur simple d’exister…
Comment le vivre ? J’en reparlerai plus longuement sur ce site, car c’est pour moi l’essentiel que de vivre la simplicité de la fluidité du dauphin. Mais pour avoir une approche plus directe et plus concrète (car les mots ont leur limite), je vous propose de venir aux stages de Tantra que nous animons et qui enseignent comment mettre en œuvre cette simplicité en l’incarnant directement.