Par Jacques Ferber.
Cela fait certainement des années que je passe devant ces quelques mots sans les avoir vus. Et là soudain, ça m’a frappé comme une évidence. Devant moi, sur la page d’accueil de Google, juste au dessous du formulaire de recherche, cette petite phrase m’a sauté aux yeux : «j’ai de la chance». J’étais dans ce stress d’activité, pris dans cette transe quotidienne où tout ce que l’on a à faire semble si important. J’avançais aveuglé par «il faut faire ça, et puis ça, et puis ça», totalement oublieux de qui je suis. Et brusquement la prise de conscience de ces quelques mots : «j’ai de la chance». J’en suis resté pantois, figé pendant quelques instants par cette évidence profonde.
Oui, c’est vrai, j’ai de la chance. De la chance de faire le travail que j’aime, de la chance d’avoir de beaux enfants et de pouvoir faire l’expérience de la paternité depuis bientôt 22 ans. J’ai de la chance d’avancer sur ce chemin de vie avec une belle femme qui trouve sa voie, et d’avoir des amis qui comptent pour moi. J’ai de la chance d’avoir eu des parents qui m’ont aimés, même si je ne m’en suis pas toujours rendu compte, surtout au moment de l’adolescence. J’ai de la chance d’avoir des sœurs merveilleuses, des cousin(e)s que je ne vois plus beaucoup mais que j’ai profondément aimés et que j’espère revoir bientôt. J’ai de la chance de pouvoir assurer mes conditions matérielles de vie. J’ai de la chance d’être en bonne santé, même si les bobos et les douleurs deviennent plus importants au fur et à mesure que mon corps avance en âge.
J’ai de la chance d’être un homme, comme j’aurais eu de la chance d’être une femme. Mais la Vie en a voulu ainsi : les hormones qui courent en moi sont celles d’un homme, et mes désirs sont ceux d’un mâle. Et je suis heureux d’aimer et de rencontrer des femmes, afin de pouvoir réaliser l’union des opposés, comme si nous étions les deux côtés (l’un pile, l’autre face) d’une même pièce (et qui est la tranche de la pièce ? le divin bien sûr qui assure l’union).
J’ai de la chance d’avoir eu des blessures d’enfance, de ne pas être «parfait» et d’avoir dû travailler sur moi pour avancer, pour sortir de mes souffrances psychologiques. D’avoir essayé de comprendre ce qui m’arrivait à l’adolescence, d’avoir dû traverser cette barrière de timidité et d’inhibition, toutes ces peurs sociales de ne pas oser. Pour finalement me rendre compte que toutes ces peurs ne correspondaient à rien de réel et qu’elles n’existaient que dans ma tête. J’ai de la chance d’avoir connu les affres des états dépressif, jusqu’à m’imaginer mettre fin à mes jours, mais sans jamais tomber complètement. J’ai de la chance d’avoir connu la maladie et la douleur physique, ces moments où l’on se recroqueville sur soi, en se demandant si l’on ne préfèrerait pas mourir que de vivre ça. Mais finalement j’ai toujours préféré vivre.
J’ai de la chance d’avoir vécu toutes ces rencontres avec des femmes et des hommes remarquables, même s’ils ne se rendent pas compte qu’ils sont remarquables. Toutes ces discussions, ces partages, et parfois ces prises de bec. J’ai de la chance de connaître la tristesse, la colère et la joie, et toutes ces émotions de base qui emplissent la vie. Quel intérêt de vivre sans émotion ? J’ai de la chance d’avoir connu l’amour sous beaucoup de formes : amour amical, parental, filial, sexuel, relationnel, conjugal… J’ai de la chance d’avoir rencontré des femmes magnifiques et d’avoir pu échanger des étreintes ardentes. J’ai de la chance d’avoir pu traverser mes difficultés sexuelles de jeunesse et d’avoir savouré les délices de la rencontre charnelle. J’ai de la chance d’avoir connu la sexualité tantrique, et de pouvoir la retransmettre à mon tour. J’ai de la chance que mes doigts me permettent de faire de la musique, et de les voir qui courent sur le manche de ma guitare en me demandant parfois comment ils font. J’ai de la chance de me sentir parfois inspiré par l’Esprit lorsqu’il a décidé d’écrire au travers de moi et qu’il m’accorde l’honneur de pouvoir être à son service. Grâce lui en soit rendue…
J’ai de la chance d’avoir rencontré des maîtres dans nombreux domaines de la vie, et bien souvent des personnes qui ne serait pas reconnues dans l’appellation de ‘maître’. Des personnes qui ont eu des paroles de sagesse, des gestes d’amour et de reconnaissance pour celui qu’elles voyaient que je pourrais être, même si je ne le voyais pas moi-même. Et j’ai de la chance de pouvoir transmettre à mon tour et d’aider d’autres personnes à avancer sur leur chemin de vie. J’ai de la chance d’avoir des neurones qui fonctionnent et qui me permettent d’avoir des idées, de penser et d’écrire…
J’ai de la chance d’être dans un pays globalement libre, de ne pas vivre dans la guerre. Je suis triste de la misère qui sévit un peu partout, de tous les fléaux naturels qui viennent endeuiller le monde. Et plus triste encore, de tout ce que les humains s’infligent mutuellement, de toutes les guerres, tortures, viols, exploitations et sévices en tous genre. Et je pleure lorsque je vois tout cela. Et j’ai de la chance de pouvoir pleurer…
J’ai surtout la chance de pouvoir contempler la beauté du monde, la symphonie des couleurs de la nature, comme de vibrer aux œuvres d’art, de pouvoir sentir le parfum des fleurs, comme aussi les mauvaises odeurs; la chance de pouvoir goûter à des plats délicats, même si mon corps me demande de ne pas trop l’intoxiquer avec certaines nourritures qui ne lui conviennent pas. La chance de pouvoir écouter toutes les musiques que je désire, et de pouvoir résonner avec certaines qui me touchent profondément.
Et je pourrais continuer ce catalogue de tous ces bonheurs, de toutes ces merveilles… Mais au delà de toutes ces petites chances mises bout à bout, j’ai une chance incroyable qui est à la base de tout le reste : je peux vivre tout cela et faire l’expérience de la Vie sur Terre…
Et si je dois avoir une épitaphe sur ma tombe, cela serait pourrait être celle-là : «il a eu de la chance de vivre… et encore plus de chance de s’être rendu compte de cette chance…»
Gratitude profonde envers la Vie/Divin/Déesse de m’avoir permis cela et quel bonheur de sentir que vous êtes là aussi, qu’on est tous là à avancer ensemble…
Quel merveille de vivre!
Et vous, ressentez vous aussi que vous avez de la chance ? N’hésitez pas à décrire toute la chance que vous avez en commentaire de cet article…